Concevoir un espace de travail ne se résume pas à choisir du mobilier ergonomique ou à optimiser l’éclairage. C’est un processus collectif où l’apprentissage, l’appropriation et la collaboration jouent un rôle central. Le bien-être des individus et la dynamique de groupe sont au cœur de cet équilibre, influençant à la fois la productivité et la qualité de vie au travail. Comment créer des environnements professionnels qui favorisent l’épanouissement personnel tout en respectant les interactions collectives ? Et comment apprendre à habiter son espace de travail pour une expérience satisfaisante et épanouissante ?
Cette réflexion nous a été inspirée par le webinaire Apprendre à habiter : expériences sensorielles de Leroy Merlin Source, qui explore la relation entre les individus et leurs espaces de vie. Si cette approche s’applique d’abord au logement, elle trouve pour nous un écho fort dans le monde du travail. Après tout, nos bureaux ne sont-ils pas des lieux où nous vivons une grande partie de nos journées ? Apprendre à habiter son espace de travail devient ainsi une nécessité pour allier bien-être et efficacité.
L’expérience sensorielle d’habiter son espace de travail
Habiter un lieu ne limite pas à y être physiquement présent. C’est une expérience sensorielle et émotionnelle qui influence nos façons de travailler. Un bureau n’est pas qu’un simple espace fonctionnel : il est un écosystème où les perceptions sensorielles façonnent notre relation au travail et aux autres. Prendre conscience de cet impact permet de concevoir des environnements qui favorisent à la fois l’épanouissement individuel et la dynamique collective.
Apprendre à habiter son espace de travail, c’est aussi comprendre comment les différents éléments de l’environnement influencent notre expérience au bureau.
L’influence des cinq sens sur le bien-être au bureau
L’environnement de travail mobilise nos sens de manière subtile mais déterminante. Chaque élément sensoriel joue un rôle clé dans notre bien-être, notre concentration et notre créativité.
- Le son, souvent perçu comme un facteur perturbateur, il peut aussi être agréable, dynamisant ou relaxant. Son impact dépend de sa nature et de son intensité : un bruit excessif nuit à la concentration, tandis qu’une ambiance sonore maîtrisée – comme un fond sonore naturel, une acoustique adaptée – peut favoriser la productivité.
- La lumière influence notre énergie et notre humeur. L’exposition à la lumière naturelle réduit la fatigue et stimule l’attention, tandis qu’un éclairage artificiel bien ajusté améliore le confort visuel et cognitif.
- La qualité de l’air et la température jouent un rôle fondamental. Un air sain, une ventilation efficace et une température agréable favorisent la concentration et réduisent la fatigue. L’ajout de plantes peut agir positivement sur ces facteurs.
- La diversité des espaces et des assises sont essentielles pour prévenir la sédentarité et les tensions musculaires. Alterner les postures grâce à des espaces modulables et variés (bureaux assis-debout, espaces de repos, zones de réunion informelles) optimise le bien-être physique et mental.
- Les choix esthétiques influencent la motivation et l’engagement. Des couleurs apaisantes, des matériaux chaleureux et une décoration soignée créent une atmosphère stimulante et réconfortante, renforçant le sentiment d’appartenance au lieu de travail.
L’intégration de plantes vivantes pour un environnement de travail sain, M. Airut Murphy
L’attachement symbolique aux objets du bureau
Les objets personnels ont une signification importante dans nos espaces de vie. Comme l’expliquent Pascal Dreyer et Elsa Ramos dans le webinaire Apprendre à Habiter, les objets venus d’ailleurs dans le logement ne se limitent pas à une fonction décorative : ils racontent une histoire personnelle et portent en eux une charge émotionnelle. Les chercheurs identifient trois dimensions qui donnent du sens à ces objets :
- Temporelle : ils marquent une étape de vie.
- Géographique : ils rappellent un lieu qui a compté dans notre parcours.
- Relationnelle : ils symbolisent un lien avec d’autres personnes, présentes ou disparues.
Au bureau, ces objets affectifs prennent la forme de photos de famille, de souvenirs d’équipe, d’éléments symboliques qui ancrent le collaborateur dans son environnement de travail et renforcent son sentiment de familiarité et de confort. Nous avions creusé cet aspect dans notre étude Le Bureau, une avenure humaine, qui démontrait que ces objets permettaient au salarié de mettre en scène son lien à l’entreprise, en rappelant des moments marquants d’équipe, des réussites, une évolution professionnelle, etc.
Cependant, dans les bureaux en flex office, cette personnalisation du bureau est de prime abord limitée, ce qui peut entraîner un détachement vis-à-vis du lieu de travail et une moindre appropriation de l’espace. Il est donc important de permettre aux salariés d’apporter leur patte autrement.
Impliquer les collaborateurs dans la décoration pour allier expression personnelle et appropriation des espaces, M. Airut Murphy
Favoriser l’appropriation des espaces de travail partagés
L’un des défis majeurs des entreprises qui réaménagent leurs bureaux est donc de concilier flexibilité des espaces et besoin de personnalisation. Dans un environnement de travail où les postes ne sont plus attitrés, comment éviter que les collaborateurs se sentent étrangers à leur propre bureau ?
Plusieurs solutions existent pour renforcer leur sentiment d’appartenance et leur bien-être :
Impliquer les collaborateurs dans la conception des espaces
- Des ateliers de co-design permettent aux salariés d’exprimer leurs besoins et préférences. En participant activement à l’élaboration de leur environnement de travail, ils développent un attachement plus fort aux lieux, même en l’absence de poste fixe. Cette implication favorise leur engagement et améliore leur expérience au bureau.
Créer des espaces d’expression collective
- L’installation de murs d’expression offre une alternative efficace pour insuffler de la personnalisation et du lien social dans un espace partagé. Affichage des réussites, souvenirs d’événements d’équipe, célébrations d’anniversaires… Ces initiatives renforcent la cohésion et ancrent les valeurs collectives de l’entreprise dans le quotidien des collaborateurs.
Offrir des solutions de rangement personnel
- Même dans un environnement flexible, chaque collaborateur a besoin d’un espace où stocker ses affaires personnelles (sac, ordinateur, carnet, objets du quotidien). La mise à disposition de casiers, d’espaces de rangement et d’organiseurs de bureau transportables permet d’apporter des repères et de s’entourer de ses grigris si on en a besoin, réduisant la sensation d’instabilité induite pr le flex office.
En intégrant ces leviers, les entreprises transforment leurs bureaux en espaces de vie, où chaque collaborateur se sent impliqué et valorisé. Car un environnement qui nous ressemble est aussi un environnement où l’on travaille mieux. Apprendre à habiter son espace de travail, c’est donc investir pleinement cet environnement et l’adapter à ses besoins quotidiens.
Un atelier de co-construction autour des usages et des besoins, M. Airut Murphy
Concevoir des bureaux à la hauteur des attentes des collaborateurs
Avec les nouveaux modes de travail et les nouvelles attentes des collaborateurs, les bureaux se réinventent pour offrir une expérience…suffisamment engageante pour représenter un « plus » par rapport au télétravail.. Il ne s’agit plus seulement de fournir un espace fonctionnel, mais de créer un environnement où les collaborateurs ont envie de venir travailler.
Un bureau où l’on sent « chez soi »
- Les espaces de travail s’inspirent de longue date du confort domestique. Canapés, fauteuils cosy, coins lounges : ces aménagements encouragent les échanges informels et créent une atmosphère plus chaleureuse.
Flexibilité et la modularité au service de la chronotopie
- Un bureau attractif doit s’adapter aux rythmes et aux préférences de ses occupants. Un agencement qui offre une variété d’espaces est aussi le gage d’un environnement vivant qui évolue au fil des ambiances de la journée. Le mobilier modulable et déplaçable, les cloisons amovibles et autres rideaux sont les alliés de ces lieux versatiles où chacun peut y trouver son compte.
L’acoustique, un enjeu clé du bien-être au bureau
- Le bruit est l’un des principaux irritants au bureau. Une bonne acoustique repose sur plusieurs leviers : panneaux absorbants, moquette, mobilier feutré et espaces d’isolement à disposition aident à réduire les nuisances sonores. Le respect des règles de vie est également nécessaire pour limiter les dérangements aux collaborateurs. Mais le silence absolu n’est pas toujours idéal. Comme nous l’explorons dans notre article sur le bruit au bureau, un léger brouhaha des conversations peut parfois contribuer à une atmosphère plus rassurante et stimulante.
Un espace de travail vecteur de lien et de culture d’entreprise
- Un bureau ne se limite pas à son aménagement : c’est aussi un lieu d’épanouissement et de cohésion. Des espaces de pause, des cafétérias conviviales et des zones végétalisées contribuent à créer un cadre propice au bien-être quotidien. Les interactions entre collègues jouent également un rôle central dans la dynamique d’équipe : espaces de brainstorming, coins dédiés aux échanges informels et activités collaboratives renforcent la cohésion et stimulent la créativité.
Enfin, un bureau doit refléter l’identité et les valeurs de l’entreprise. Un environnement qui incarne cette culture – à travers la décoration et des initiatives collectives – favorise l’engagement des collaborateurs.
Attirez vos collaborateurs au bureau en créant des espaces lumineux et chaleureux, M. Airut Murphy
Apprendre à co-habiter dans un bureau partagé
Dans un environnement de travail partagé, comme un open-space ou un bureau en flex office, l’harmonie collective repose sur des règles de vie communes. Ces règles ne doivent pas être considérées comme des contraintes, mais plutôt comme des repères pour faciliter la cohabitation.
L’élaboration d’une charte de règles de vie, co-construite avec les équipes, permet de poser un cadre clair et commun. Elle définit les bonnes pratiques liées à l’utilisation des espaces partagés, la gestion du bruit ainsi qu’à l’entretien des lieux. En impliquant les collaborateurs dans sa conception, cette charte favorise l’adhésion et la responsabilisation de chacun.
Au-delà des règles, une communication bienveillante est essentielle pour désamorcer les tensions et permettre à chacun d’exprimer ses besoins sans conflit. Encourager l’écoute active et le dialogue ouvert renforce le sentiment de respect mutuel et d’appartenance.
Enfin, des ateliers d’expression et d’appropriation peuvent aider à ancrer ces bonnes pratiques. Sensibiliser les équipes aux enjeux du partage des espaces, aux différents besoins de concentration et aux leviers d’une collaboration fluide favorise un climat de travail serein et productif.
Participants co-construisent les règles de vie au bureau lors d’un atelier interactif avec le Workplace Game, M. Airut Murphy
Vers des environnements de travail plus humains et évolutifs
Apprendre à habiter son espace de travail est un processus continu, une expérience sensorielle et émotionnelle qui évolue dans le temps, au fil de son parcours professionnel. Concevoir des bureaux qui intègrent sensations, émotions et dynamiques sociales, c’est permettre à chacun de s’épanouir tout en nourrissant la vie collective.
L’implication des collaborateurs dès la phase de co-construction est essentielle pour créer des espaces qui répondent à leurs besoins. Mais cette appropriation ne s’arrête pas une fois les bureaux installés : elle se construit et se renforce au fil du temps.
En donnant aux collaborateurs les moyens d’investir leur espace, de l’ajuster et de le faire évoluer en veillant à conserver son harmonie d’ensemble, on transforme les bureaux en lieux habités, où chacun trouve sa place et peut pleinement se réaliser dans son travail.
Pour recevoir les prochaines éditions de Work & the City, abonnez-vous ici !