Note de lecture : The Great Indoors, de Emily Anthes
Nous passons 90% de notre temps à l’intérieur
Cet intérieur, nous y avons été confrontés avec force lors de la pandémie et des multiples confinements.
Dans son livre The Great Indoors, paru en 2020, non traduit, la journaliste scientifique Emily Anthes nous propose une réflexion percutante autour de ces espaces qui marquent tant nos vies. Elle invite à avoir une véritable ambition environnementale sur ce sujet. Par exemple, nous avons tendance à aborder le sujet de la qualité de l’air uniquement à l’aune de la pollution extérieure alors que les polluants intérieurs sont un vrai danger.
En appui sur un vaste corpus de travaux de recherche pluridisciplinaire rassemblés pour l’occasion, la journaliste nous amène à envisager des sujets aussi variés que les impacts d’un bon agencement de bureau sur notre santé, la façon dont la température ambiante régule nos performances cognitives, ou les microbes qui cohabitent avec nous et leur influence sur notre système immunitaire.
Emily Anthes sonde le pouvoir analgésique d’une fenêtre bien placée, nous transporte dans une salle d’opération conçue pour diminuer les erreurs médicales, une école dont les partis-pris d’aménagement ont pour but d’améliorer la forme physique des étudiants ou encore une prison destinée à répondre aux besoins psychologiques des détenus.
Ce travail colossal et ses exemples inattendus nous a fait plonger dans les multiples enjeux de nos espaces intérieurs pour la santé et le bien-être. Le tout à une époque ou, confinements et vagues de chaleur se succédant, nous somme amenés peut-être encore plus qu’avant à chercher refuge dans ces espaces, nous espèce sédentarisée depuis des millénaires.
C’est un ouvrage que nous citons régulièrement depuis la pandémie : il était tant d’en présenter ici une fiche de lecture. Pour vous laisser le plaisir à ceux qui seraient tentés de lire l’ouvrage dans sa totalité, nous nous concentrons sur quelques passages.
Bonne découverte !
Comment bien vivre en intérieur ?
La biophilie comme réponse
Dans l’un des chapitre phares de l’ouvrage, l’autrice creuse la piste de la biophilie, un concept popularisé par le naturaliste et biologiste E. O Wilson.
Il existe plusieurs théories selon lesquelles la verdure est bénéfique. La biophilie postule que puisque que nous avons évolué entourés de plantes et de verdure, nous avons une affinité innée avec elles. Les végétaux nous font nous sentir reposés et calmes, ils nous apportent un épanouissement à la fois corporel et moral. Pour E. Anthes, regarder la nature a un effet de détente, ce qui produit de nombreux effets positif dans l’organisme tels la réduction de cortisol ou la baisse de la tension artérielle.
Emily Anthes met en lumière les travaux du chercheur Roger Ulrich[1] au sein des hôpitaux américains. Ce dernier a démontré que la nature a un pouvoir tangible sur la récupération et le rétablissement des patients, qui, confrontés directement à la nature ou même à des images et des sons qui l’évoquent, guérissent plus rapidement.
Laisser entrer l’extérieur
Plus nos espaces intérieurs seront inondés de lumière naturelle et plus ils offriront de vues et de contacts avec la nature, moins nous serons stressés. Pour l’autrice du livre pas de doute : la place de la nature est prépondérante dans les maisons du futur. Pour l’autrice, nos maisons sont bien plus que des abris. Bien sûr, le premier impératif de nos intérieurs est qu’ils nous protègent de l’extérieur : un toit qui laisse entrer la pluie ou une tente ouverte aux animaux ne remplit pas son rôle. Pourtant, l’une des théories centrale de Anthes est que l’inverse est vrai : une habitation qui nous coupe du monde naturel est tout aussi néfaste.
Une tendance que nous percevons clairement sur le terrain de nos projets de bureaux : offrir un contact avec la nature par de multiples moyens (présence de plantes, vues sur l’extérieur, espaces extérieurs aménagés, large présence de matériaux naturels) fait partie des premières préoccupations.
L’autrice s’attarde aussi sur la dimension « high-tech » des maisons, qui deviennent un outil de monitoring à part entière de notre santé et notre bien-être. Selon des projections qui paraissent encore difficiles à imaginer, les maisons soutenues par l’intelligence artificielle nous réveilleraient, nous prépareraient à manger.
Et le bureau ?
Dans quelle mesure la science peut-t-elle aider à concevoir le bureau parfait ? Bien sûr, Emily Anthes dédie un passage de son livre à l’amélioration des conditions de travail des salariés au bureau. Pour elle, il est indéniable que la façon dont un bureau s’organise affecte le bien-être.
Emily Anthès évoque les travaux du laboratoire Well Living Lab. Leurs scientifiques mettent en place une variété d’espaces de travail afin de déterminer lesquels sont les plus adaptés à leurs utilisateurs. Ils observent les employés dans leur milieu de travail et mènent des expériences de régulation du son, de la température et de la lumière.
À nouveau, la lumière naturelle et la vue sur l’extérieur figurent parmi les éléments les plus importants : la lumière du jour et une vue dégagée sur l’extérieur boostent le travail des employés mais aussi leurs mémoires. Une caractéristique que l’on retrouve en France dans la régulation autour de la zone de premier jour, qui stipule que tout bureau doit être situé à 6 mètres maximum d’une fenêtre ou bénéficier d’un éclairage renforcé.
La température et l’acoustique affectent aussi la productivité et le comportement. Les recherches de la journaliste confirment que les introvertis, les personnes autistes ou présentat des troubles de l’attention ont plus de mal à travailler dans des espaces ouverts, potentiellement davantage exposés au bruit. Un aspect à avoir en tête à l’heure où l’on s’efforce de penser le caractère inclusif de l’entreprise.
Au final, un bureau avec beaucoup de lumière naturelle, un thermostat réglé sur 21 °C et une ambiance sonore modérée est une garantie d’employés plus heureux mais aussi plus rapides dans l’exécution de leur travail.
Pour conclure, la principale vertu de cet ouvrage est de nous encourager à reconsidérer les endroits où nous passons le plus de temps. Nous devons enfin nous demander s’ils répondent vraiment à nos besoins. École, université, commerces, bureaux, hopitaux, gymnases, salles de spectacles et transports…nous passons une telle part de nos vies à vivre à l’intérieur qu’il est temps de se pencher sur ces écosystèmes et les clés qu’ils détiennent sur l’amélioration de notre bien-être.
[1] Professeur d’architecture au Center for Healthcare Building Research de l’Université de technologie de Chalmers en Suède et professeur adjoint d’architecture à l’Université d’Aalborg au Danemark, il est le chercheur le plus fréquemment cité à l’échelle internationale dans le domaine de la conception des établissements de santé.